Les chamanes captent l’ADN des animaux.

Article du journal NEXUS n° 56 de mai-juin 2008.

Dans toutes les religions anciennes ou premières qui subsistent encore aujourd'hui, l'être humain accorde naturellement aux forces de la nature vie, conscience et intelligence. Des Indiens du bassin amazonien aux indiens d'Amérique du Nord, des ethnies animistes africaines aux aborigènes australiens en passant par les chamanes sibériens, tous voient de l'intelligence non seulement derrière les animaux, mais aussi derrière les plantes et les minéraux. L'anthropologue qu'est Jeremy Narby, bien que n'ayant aucune formation en éthologie, en biologie ou en neurosciences, a tenté de déceler derrière toutes ces manifestations naturelles, des indices qui pourraient nous montrer que la nature tente de dialoguer avec l'homme avec des signes, des sèmes qui, s'ils ne s'inscrivent pas dans un discours compréhensible pour le scientifique, n'en est pas moins intelligible. On pourrait presque dire que Narby est parti à la recherche d'un animisme nouveau, faisant le pont entre les constatations de terrains des « anciens » avec leurs rituels, leurs animaux totems et alliés et leurs plantes curatives et les constatations opérées par quelques scientifiques plus audacieux : « Scientifiques et chamanes pourraient unir leurs forces pour essayer de comprendre l'esprit des oiseaux et d'autres animaux », s'est répété avec force Jeremy Narby qui a, semble-t-il caressé un rêve depuis de nombreuses années, depuis l'écriture du Serpent cosmique.

Des connaissances pharmacologiques hors pair
Son rêve est né d'une constatation : les sorciers des tribus amazoniennes sont d'excellents thérapeutes ayant des connaissances pharmacologiques hors pair. Pour peu qu'ils soient bons dans leur pratique et qu'il ne s'agisse pas de fumistes ou de charlatans, ils ne se trompent jamais. C'est donc, s'est dit Narby, qu'ils ont une méthode pour diagnostiquer la maladie et trouver la plante particulièrement efficace : « J'ai entrepris depuis plus de dix ans la recherche d'un terrain d'entente entre savoir indigène et science occidentale, et j'ai fini par découvrir des liens entre le chamanisme et la biologie moléculaire. Dans mon livre, Le Serpent cosmique, l'ADN et les origines du savoir, j'ai présenté une hypothèse selon laquelle les chamanes accèdent dans leurs visions à des informations relatives à l'ADN, qu'ils appellent "essences animées" ou "esprits". Tout le problème, poursuit Narby, est que la science occidentale éprouve en effet quelques difficultés à reconnaître l'existence possible d'une intelligence non humaine, et tout autant l'acquisition d'un savoir objectif par des voies subjectives » (L'intelligence dans la nature. En quête du savoir). Heureusement, l'accueil n'a pas été aussi froid qu'on aurait pu le craindre, compte tenu de l'infernale réputation du chamanisme en occident. Jusqu'au milieu du xxe siècle, par le biais des campagnes d'évangélisation, on accusa les chamanes de faire commerce avec le démon puis on les considéra comme des malades mentaux. Il a fallu attendre l'arrivée sur le terrain d'anthropologues clairvoyants pour que l'on s'intéresse enfin sérieusement au chamanisme qui sera alors perçu tantôt comme une sorte de psychanalyse, tantôt comme un authentique art de guérir.

Parler le langage des oiseaux
Lorsqu'on rentre dans le domaine des visions, il arrive bien souvent que l'on se trouve face à un monde certes déconcertant, mais bien souvent cohérent. Ainsi, Narby rapporte : « Le chamanisme repose essentiellement sur l'expérience du dialogue avec la nature. Quand des chamanes entrent en transe et communiquent en esprit avec le monde végétal et animal, on dit d'eux qu'ils parlent le langage des oiseaux. Les historiens des religions ont documenté ce phénomène en divers points du globe ». Les chamanes affirment donc dialoguer avec les plantes ou les animaux lors de leurs états de transe, lorsqu'ils prennent cette boisson hallucinogène extrêmement amère : l'ayahuasca. C'est après l'avoir bue qu'ils sont capables de soigner efficacement les malades. Des ethnobotanistes représentants des firmes pharmaceutiques sont venus constater par eux-mêmes comment travaillaient les chamanes et ils ont pu trouver dans chacune des plantes récoltées en vue d'une guérison un ou plusieurs principes actifs en quantité signifiante correspondant parfaitement à la maladie. Il se passe donc bien quelque chose et c'est ce mystère que Narby a voulu percer. Tout en ne perdant pas de vue qu'il fallait protéger les chamanes de l'avidité croissante des sociétés pharmaceutiques et des géants de l'agro-alimentaire qui poursuivent eux aussi un rêve : breveter les molécules et autres principes actifs contenus dans les plantes.
Pour revenir à ce « langage des oiseaux », voici un exemple qui montre qu'il convient de prendre certaines choses au pied de la lettre. Corrine Sombrun, une musicienne qui s'est passionnée pour le chamanisme, est partie en Amazonie péruvienne, dans la région d'Iquito. Elle raconte qu'il faut « demander à l'ayahuasca la permission de couper une partie de son bois pour soigner des patients. La réponse est donnée par le chicua. Le chicua est un petit oiseau qui volette toujours autour de l'ayahuasca. Si le chicua dit "chicua chicua' la réponse est "non". Il faut abandonner. La potion fabriquée à partir de cette liane précise pourrait être un poison. Si l'oiseau crie "chis-chis", c'est que la réponse est oui » (Corne Sombrun, Journal d'une apprentie chamane, Éditions Albin Michel, 2002).

Des ponts entre science et chamanisme
En fait, le postulat de départ est de prendre les dires des chamanes au pied de la lettre même si cela nous semble absurde, semble nous dire Narby qui insiste particulièrement sur la conclusion émise par une biologiste, le Dr Pia Malnoe : « La démarche par laquelle les chamanes obtiennent leurs connaissances n'est pas très différente de celle par laquelle les scientifiques obtiennent les leurs. L'origine est la même, mais les chamanes et les scientifiques utilisent des méthodes différentes ».
Pour mettre à l'épreuve sa thèse que nous détaillerons un peu plus loin,Jeremy Narby a emmené dans le bassin amazonien plusieurs scientifiques qui ont accepté de constater par eux-mêmes ce que pouvait représenter le savoir chamanique et surtout le potentiel d'informations obtenues lors de l'ingestion de l'ayahuasca, par laquelle les chamans amazoniens affirment dialoguer avec les esprits de la nature.
En participant aux rituels, chacun de ces scientifiques est revenu avec des informations sur son domaine de recherche : une biologiste américaine a eu des visions sur le déchiffrage du génome humain, un chercheur français a reçu une sorte de « sons et lumière » dans lequel une voix lui donnait des réponses à des problèmes de fertilité, de spermatozoïdes et protéines chez des lézards ou des souris tandis qu'une femme professeur suisse s'est vue demander à l'esprit de la Mère du tabac, plante enseignante par excellence des chamanes, s'il y avait des problèmes éthiques à faire des manipulations génétiques pour rendre le plant du tabac plus résistant. L'esprit lui aurait répondu que cela ne posait pas de problème du moment que l'on ne franchissait par la barrière des espèces, et pour autant « que la plante soit accordée à son environnement ». (Jeremy Narby et Francis Huxley, Chamanes au fil du temps, Albin Michel, 2002).

ADN et serpent cosmique
Approfondissons l'hypothèse de Narby qui n'a pas pu être matériellement vérifiée, mais qui opère un fascinant rapprochement entre deux unités d'informations différentes l'ADN des plantes serait porteur d'informations que l'on peut capter dans des visions grâce à l'ingestion de l'ayahuasca. La plante sert donc de médium entre la nature et l'homme qui absorbe la dite plante. Ou peut-être que les esprits des plantes et des animaux se laissent décoder et approcher lorsqu'on ingère ce mélange de plantes qu'est l'ayahuasca. Selon l'hypothèse de Narby donc, ces morceaux d'ADN, ces « serpents cosmiques » que sont les chromosomes, ces éléments qui sont la base du vivant parlent, s'expriment, émettent quelque chose que l'homme est en mesure de capter et d'interpréter grâce à l'ayahuasca, et le tabac sauvage entre autres. On sait déjà que l'ADN est un langage universel compris par l'ensemble du vivant, c'est la raison pour laquelle on peut par exemple utiliser une séquence d'ADN d'une plante qui a une propriété particulière (être résistant à une maladie par exemple) et l'injecter dans le matériel génétique d'une autre plante d'une autre famille, c'est-à-dire créer des organismes génétiquement modifiés. Au niveau de l'ADN, tous les êtres vivants peuvent communiquer, se « comprendre » via l'ADN, fait remarquer Narby. Mais quelle est la nature de cette information transmise par l'ADN. quel langage emploie-t-il ?

L'explication de l'émission photonique
Narby tombe alors sur l'explication de l'émission photonique. On sait en effet que l'ADN est un « cristal apériodique » qui capte et transporte des electron! et qui émet à des fréquences ultra faibles et à la limite du mesurable des photons, c'est-à-dire des ondes électromagnétiques - et ceci plus que toute autre matière vivante. Des expériences ont démontré ainsi que tous les êtres vivants émettent des photons à des taux spécifiques et que l'ADN en est la source. Narby se demande alors si cette « lumière », ces photons émis par les cellules des êtres vivants est bien l'information captée et interprétée de façon signifiante par les chamanes. Car cette émission de photons est évidemment non décelable à l'oeil nu ; il s'agit d'un taux extrêmement faible mais « extrêmement cohérent, aussi cohérent qu'un laser » (Fritz Popp, « Biophoton Emission... » in Modern Physics Letters), c'est-à-dire aussi régulier et précis dans le débit d'émission. Comme le spécifie Narby et les autres chercheurs, l'ADN émet « un laser ultra-faible ». Et un laser donne une impression de couleur vive « et un sentiment de profondeur holographique », ce qui est extrêmement cohérent avec la nature même des visions sous Ayahuasca, des visions de « formes abstraites, tridimensionnelles, extrêmement colorées, saturées et vives ». Voilà ce qu'en conclut Narby : « Les molécules de nicotine ou de DMT (ou diméthyltryptamine) contenues dans le tabac ou l'ayahuasca activent leurs récepteurs respectifs (dans le cerveau) qui déclenchent une cascade de réactions électrochimiques à l'intérieur des neurones, aboutissant à l'excitation de l'ADN et stimulant entre autres, son émission d'ondes visibles que les shamanes perçoivent sous forme d'hallucinations ». Mais cette explication est insuffisante dans la mesure où elle ne nous indique pas le lien entre la conscience de l'être humain et les réactions photoniques de l'ADN.

Langage électromagnétique.
Pour cela, Narby va se servir des dernières recherches et hypothèses en matière de communication cellulaire, à savoir quel type de langage les cellules utilisent pour communiquer entre elles, pour s'agencer, s'ordonner, réagir les unes par rapport aux autres. Au cours de ces vingt dernières années, des chercheurs ont réalisé quantité d'expériences visant à démontrer que les cellules utilisent ces ondes électromagnétiques pour communiquer entre elles, mieux encore pour communiquer d'un organisme à un autre. C'est ainsi que l'on arrive à comprendre, explique Narby, comment le plancton composé de milliards de minuscules organismes arrive à se comporter en une colonie organisée, une sorte de super-organisme. Ici, pas question d'expliquer tout par des interactions biochimiques comme s'échine à le prouver sans succès la biologie classique et orthodoxe. Grâce à ce niveau électromagnétique, photonique de communication, on peut élucider quantité de phénomènes que la biologie classique, axée sur les strictes réactions biochimiques est incapable d'expliquer.
Quant à la conscience, le biologiste allemand Fritz Albert Popp, pionnier dans le modèle d'explication biophotonique, admet qu'elle aussi est constituée sans doute par le champ électromagnétique formé par l'ensemble de ces réactions photoniques (qui proviendrait de l'ADN contenu dans nos neurones entre autres). On peut ainsi dire que l'entièreté des réactions photoniques de toutes les cellules de plancton communiquant entre elles forme une sorte de méta conscience, la conscience d'une colonie de plancton. De ce fait, notre propre conscience devrait également résider dans les champs électromagnétiques émis par l'ensemble de nos neurones. Vous voyez où Narby veut en venir ? L'ayahuasca agirait comme une sorte d'excitateur de photons permettant aux champs électromagnétiques de différentes consciences, végétales, animales, humaines de communiquer entre elles. Il servirait de révélateur permettant à la réaction chimique de se catalyser puis de se fixer sur le « papier photo » de la conscience.
Ce modèle n'est pas le seul à jeter un pont entre l'esprit et la matière, la conscience et le vivant. Celui de Rupert Sheldrake apporte, nous allons le voir, une pierre originale à l'édifice. (Dans l’article suivant de Nexus).


L’ayahuasca, appelée également Yage, Jurema ou Santo Daime, est une mixture hallucinogène composée de plusieurs ingrédients et qui est consommée dans tout le bassin amazonien. Le premier ingrédient est une sorte de liane, le Banisteriopsis coapi dont on prélève surtout l'écorce. Son nom indigène « ayahuosco » signifie liane des esprits et ceux qui en prennent font souvent l'expérience de la mort et de la séparation du corps et de l'esprit. Les premiers effets narcotiques peuvent être violents, désagréables. Les nausées et vomissements sont presque toujours caractéristiques du début des effets. Une euphorie agréable s'ensuit, marquée par de fortes hallucinations visuelles où l'on voit souvent des serpents, des animaux, des plantes et un monde cellulaire en mutation. Le second ingrédient - psychotria viridis - joue un rôle important dans l'ayahuasca comme additif, car en plus de ces vertus narcotiques, il empêche les enzymes de l'estomac de dégrader complètement l'ayahuasca. Le principe actif de l'ayhuasca est entre autre le DMT, le diméthyltryptamine. Certains chamanes amazoniens qui affirment communiquer avec les esprits des animaux et des ancêtres ont par dérision surnommer l’ayahuasca « la télévision de la forêt ». Son emploi s'est largement répandu dans les zones urbaines au Brésil, donnant naissance à des syncrétismes religieux fort marqués par le christianisme comme l'Église du Santo Daime. (Richard Evans Schultes, Un Panorama des hallucinogènes du nouveau monde, éditions de l'Esprit frappeur, 2000).