La colonie de vacances de la Mairie du 17ème arrondissement de Paris : Breteuil-sur-Iton.
Suite de la biographie de l'auteur du site.
Ma mère m'y a envoyé au moins 4 fois (entre 1953 et 1958), et ce jusqu'à l'âge de 13 ans ; après ce fut les scouts. Comme mes parents ont toujours eut des difficultés d'argent, lorsque je posais la question à ma mère en lui demandant pourquoi elle m'envoyait dans cette colonie, elle me répondait que c'était pour me faire prendre l'air.
L'un des autocars qui prenaient les enfants stationnait devant la mairie du 17ème (l'ancienne mairie), puis venait l'instant déchirant et si cruel pour moi de quitter mes parents lorsque l'autocar se mettait en route. Lentement, je voyais s'éloigner les immeubles familiers de la rue des Batignolles avec une douleur dans la poitrine, puis mon angoisse augmentait lorsque le car traversait le périphérique. Puis, régulièrement, à chaque voyage vers cette colonie, au bout d'une demie heure à une heure, j'avais mal au cœur et, étant très timide, je me retenais de toutes mes forces pour ne pas vomir ; hélas n'y tenant plus je me revois recrachant tout ce que je pouvais à travers la porte entre ouverte du car. Comme je fus envoyé au moins 4 fois dans cette colonie, je retrouvais les mêmes enfants, qui d'ailleurs m'étaient si étrangers, et bien-sûr ceux-ci ne manquaient pas de se moquer de moi.
Au bout d'une heure et demie nous arrivions dans le parc immense de la colonie de vacances de Breteuil-sur-Iton. (Les retours de la colo s'effectuaient le plus souvent en train avec arrivée à la gare Saint Lazare).
Dans ce lieu ressemblant plus à une caserne (entre 200 à 500 enfants), sauf le bâtiment central datant du 18 ou 19ème siècle, et abritant au rez-de-chaussée le grand réfectoire et à l'étage un grand dortoir, je revois les autres bâtiments plus récents (1948-1950), puis la rivière Iton passant devant le grand réfectoire et glissant sous les escaliers du péron conduisant à ce réfectoire.
Comme souvenirs importants, je me rappel surtout des odeurs d'urine très fortes et de grésil censé combattre cette puanteur. Pourtant les WC n'avaient pas l'air si minables que cela puisque s'étaient des WC à la "turc". Les WC situés à l'entrée de chaque dortoir dégageaient le même genre d'odeurs : mélange d'urine et de grésil ; quand les WC étaient bouchés, une grande flaque se répandait jusqu'au milieu du dortoir. Heureusement que l'accident ne durait pas longtemps. D'autres WC en formes de petites cahutes étaient "encore plus rustiques". Ils étaient situés dans chaque grands parcs : 3 ou 4 WC pour le parc des petits, même nombre pour le parc des moyens, et même nombre pour le parc des grands.
Du parc des grands et en traversant sur un petit pont, nous pouvions aller porter nos affaires à laver à la buanderie.
Le premier jour de l'arrivée à la colo, c'était l'inventaire des affaires qui se trouvaient dans notre valise. Comme ma mère n'avait pas les moyens de faire fabriquer une étiquette brodé à mon nom, elle en avait cousu quelques unes sur quelques vêtements, et ces petites étiquettes étaient écrite simplement avec une encre plus ou moins indélébile. C'était un moment très déprimant pour moi cet inventaire, parce que cela me rappelait la maison et son odeur. Nos affaires étaient rangé à la fois dans un petit meuble à côté de nos lits (voir sur la photo) et dans un local attenant à la buanderie. Nos valises étaient entreposées dans un grenier. Encore maintenant, plus de 40 ans après, je rêve avec angoisse que j'ai laissé des affaires importantes dans cette colonie.
Le lendemain, nous devions passer à l'infirmerie pour la séance d'épouillage, avec épandage sur les cheveux d'une sorte de "farine".
En haut de la page, vous pouvez voir le dortoir, oui le même à peu de chose près car ils se ressemblaient presque tous, dortoir ou je couchais. Il y avait près de 40 lits. De mémoire, il ne devait exister qu'un ou deux dortoirs avec seulement 6 ou 10 lits. Le supplice était de faire son lit au carré chaque matin, comme au service militaire (je n'ai fais que 2 mois heureusement). Défaire son lit et plier ses draps et ses couvertures. Pour les couvertures et les draps, je ne savais jamais comment faire tout seul , alors que certains s'aidaient deux par deux. D'autre enfants et moi étalions nos couvertures au sol dans un grand nuage de poussière, en essayant de plier au mieux draps et couvertures. Après le petit déjeuné il fallait faire notre lit. Et évidemment après le repas de midi il y avait la sieste, souvent avec obligation de rester la tête sous les couvertures !
Je garde peux de souvenirs de la toilette du matin, si ce n'est, que par économie peut-être, l'eau de la chaudière au charbon était souvent tiède, ce qui était désagréable pour se laver les dents. Eau tiède et même froide plus encore désagréable pour se doucher une fois par semaine si je me rappel bien, dans des alvéoles de douches en grès d'un gris verdâtres inquiétant. J'en rêve encore à 62 ans passé.
Dans tous mes séjours à Breteuil-sur-Iton, j'étais comme une sorte de zombie, étranger à presque tout ce qui était autour de moi ; certainement une sorte de protection, mais plus un état déprimé, que je supportais sans aucun médicament. Seul le vert de la végétation semblait être attentif à moi et de ce fait me consolait et m'apaisait. J'ai retrouvé ce phénomène de consolation et d'apaisement bien plus tard à l'âge de 45 ans, près de Volvic en Auvergne, dans une petite forêt, lorsque j'étais assez déprimé et angoissé. Les Élémentals cela existe pour moi, et cela en était la preuve. Même chose au scoutisme et toujours parmi la végétation.
La dépression et la peine se renforçaient lorsque je recevais du courrier de mes parents. Quelquefois ma mère m'envoyait un billet de 10 fr dans une enveloppe et avec cela je m'achetais un paquet de chewing-gum à la chlorophylle ou aux fruits. Mais le fait de lire son courrier renforçait encore plus ma peine de n'être pas à la maison avec mes parents.
Les jours de beau temps mais pas tout le temps, les moniteurs, dont je ne garde aucun souvenir, nous emmenaient dans les bois de Bémécourt. J'essayais de me perdre en pensées parmi les allées de ces bois très humides. Les jours de mauvais temps on nous emmenaient à l'unique cinéma de Breteuil-sur-Iton. Alors là, j'étais au Paradis, toutes les misères s'enlevaient de moi et j'étais dans le film, partageant les émotions des acteurs. Le cinéma était vraiment magique pour moi. Je me souviens des quelques films : Sous le plus grand chapiteau du monde, quelques Sissi, Heidi, et de plusieurs westerns. Dans l'obscurité de la salle de cinéma, j'arrivais à partager mes émotions durant les suspens du film avec mon voisin, chose vraiment extraordinaire, moi qui n'ai jamais adressé la parole à un autre enfant durant mes séjours dans cette colonie ! Après la séance, c'était très dur de regagner la colo !
Les jours ou nous n'avions aucunes sorties en dehors de la colo, le temps était très long, et le seul changement de rythme pour moi était l'heure du goûter. En plein air le plus souvent, on nous distribuait dans des bols du lait, et on nous donnait du pain et quelques morceaux de chocolat noir. Le lait était versé à la louche dans le bol et il en tombait à côté souvent sur le sol.
Dans mes errements dans l'un des trois parcs nommé plus haut, je me perdait dans mes pensées de Paris et de mes parents en regardant les grands arbres en bordure du mur d'enceinte de la colo, en pensant peut-être m'évader ! Près de L'Iton et de la buanderie il se trouvait aussi un jardin potager avec un enclos. J'aurais voulu y aller car cela me semblait être un Paradis.
Certains jours de pluie, on installait un vieux projecteur Debrie de 16 mm entre les bancs du réfectoire, et on nous projetait sur un drap blanc un vieux Bibi Fricotin en Noir et blanc et quelques autres bandes de films français noir et blanc de l'époque.
Avant d'entrer dans le réfectoire pour les repas, il fallait se mettre en rangs par colonnes devant le péron de l'escalier menant au réfectoire. Dedans régnait un grand bruit au moment des repas. Pour les petits déjeuners, le beurre était vraiment rare à se mettre sur les tartines de pain ! Au déjeuner, ceux qui étaient punis étaient contraint de sortir sur le péron du réfectoire avec leur assiette en Duralex et de continuer à manger ainsi. Les moniteurs mangeaient dans une salle à part. Je ne me suis jamais plain auprès de mes parents du manque de nourriture ; elle était correcte certainement. Ce n'était absolument pas le cas dans une autre colonie de vacances où ma mère a eu la mauvaise idée de m'envoyer ! La colonie de Trébeurden en Bretagne. Les responsables de cette colonie s'en foutaient plein les poches sur le dos des enfants qui n'avaient pas assez à manger. Je me souviens avoir complété mes repas par des Carambars achetés à l'épicerie du coin !
À la fin du mois du séjour, il y avait une fête générale à la colo. On dressait une estrade avec des tentures vertes de chaque côté pour les coulisses, et de petites pièces jouées par les enfants y étaient représentées. Cela ne me fut pas du tout agréable ! vu mon expérience des colonies dès l'âge de 6 ans !... et par rapport à certaines chansons, qui devaient me "conditionner" plus ou moins.
Le plus douloureux furent les trop rares visites de ma mère au cours de mes séjours dans cette colonie. Le fait de la voir pendant une journée me serrait le cœur et bien-sûr le plus dur était le moment de son départ. C'était terriblement déchirant pour moi. Une fois le patron chez qui ma mère était secrétaire vint me voir, car il avait un voyage d'affaire près de Breteuil. Quand ce monsieur fut parti, cela me fut tout aussi douloureux que si c'était ma mère. Il s'appelait Monsieur Berlin.
Quand je pense que j'ai obtenu mon diplôme de moniteur de colonies de vacances ! J'ai exercé une seule fois ce "métier" pendant 15 jours dans une colonie dans l'Yonne. Le salaire était vraiment médiocre, et les enfants n'étaient pas trop "insupportables".
Comme à cette époque nous habitions rue de Lévis à Paris 17ème, j'ai rencontré plusieurs fois le directeur de la colonie de Breteuil faisant son marché rue de Lévis, il ne devait pas habiter loin de là. Il s'appelait Monsieur Morel, si je me rappel bien.

Michel Roudakoff

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La photo du haut de la page représente, exactement, l'état du dortoir de la colonie de Breteuil-sur-Iton, où je me retrouvais plusieurs années de suite aux cours des grandes vacances d'été, et une fois aux vacances de Pâques. À Pâques, le chauffage fut en panne et il fut installé un grand poêle à charbon en plein milieu du dortoir. Je ne me rappel plus par où s'évacuait la fumée ! ! !