Quoi de plus grinçant que le coup de bec mitrailleur d'un pivert en quête d'érable ? Walter Lantz, qui depuis la guerre, a fait preuve maintes fois de sa verve incongrue (1), a réduit le personnage à l'obsession sonore de son exercice favori. Le cri de Woody, dès le générique, attaque les nerfs du spectateur. C'est une forme dynamique de la catastrophe immanente, de l'agressive poisse, de l'exaspérante baraka. Woody, casse-pieds né, pose les siens dans tous les plats, brise la vaisselle, perce la tuyauterie, fait tomber les plâtres. Sa folie destructrice est contagieuse comme celle de Harpo. Son anarchie dépasse jusqu'au terrorisme de Buzz Buzzard, dont les bombes finissent par éclater à contre-temps. Woody est une création anti-sociale, un geste nihiliste qui s'ignore, mais dont la portée s'amenuise par une détérioration qui était peut-être inévitable. Le Woody d'aujourd'hui n'est pas le même qu'il y a cinq ans (1961). Dirigé par Paul Smith, on le retrouve père, volontiers gâteau, et citoyen partiellement domestiqué.
(D'après le texte de Robert Benayoun, dans son livre : Le dessin animé après Walt Disney, J.J. Pauvert Éditeur, 1961)
1. Voir par exemple Syncopated Sioux. Walter Lantz, après Oswald le lapin, s'est trop attardé sur des créatures aussi banales qu'Andy panda, Eight ball, ou Sugarfoot. Woody Woodpecker est à présent dirigé par Paul Smith, frère de Frank. Et son Mel Blanc se nomme Dal Mc Kennon. (Mel Blanc est le créateur du rire de Woody. Il est surtout les différentes voix des Bugs Bunny et autres films de Tex Avery).
Woody est un personnage politiquement incorrecte. Il est loin d'être un modèle de compassion ! Mais quel délire, quelle santé et richesse visuelle ! Que de trouvailles dans les animations.