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PARMI LES HOMMES


" QUI VEUX GAGNER DU TEMPS EN PERD "


Pour venger son père, un homme de Lu ouvrit le ventre d'un [habitant de] Qi et mit son cœur à nu. Il s'assit alors, arrangea sa coiffure, se leva et changea de vêtements ; il sortit lentement, monta sur son char et fit aller son cheval au pas, sans que son visage changeât. Et comme son cocher voulait presser le cheval, il l'arrêta et lui dit : " Ce jour, j'ai vengé mon père et j'évitais la mort pour le faire, non par goût de la vie. L'affaire est finie maintenant. Pourquoi me sauverais-je ? " Les poursuivants dirent : " Cet homme à l'allure modérée ne peut être l'assassin ". Ils cessèrent de le cerner et s'en furent. Si cet homme n'avait pas changé de vêtements, ajusté son chapeau, s'il était parti furtivement et avait pressé son cheval, il n'aurait certainement pas pu s'échapper de plus de mille pas. Or, il s'est assis, a arrangé sa coiffure, s'est levé, a changé de vêtements, est sorti lentement, est monté dans son char et a fait aller son cheval au pas sans que son visage ne change.

C'est ainsi que les gens en risquant la mort trouvent au contraire la vie. C'est ce qui s'appelle " aller vite en allant lentement, atteindre le but en allant au pas ".
On croit ordinairement, que c'est en courant qu'on va vite, et en marchant qu'on va lentement. Ici, c'est au contraire en allant lentement qu'on va vite.
La différence est claire. Ceux qui savent aller lentement pour arriver vite, marcher lentement pour être rapides, sont proches du Tao.

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(Les grands traités du Huainan zi, époque des Han, 206 av. J.C. - 220 ap. J.C.)