MIROIRS en Chine

           
 

" Sachez que les choses, en vieillissant, sont toutes capables de revêtir des formes humaines, et arrivent ainsi à tromper le regard des êtres humains. Sous cette forme, elles mettent constamment les hommes à l'épreuve. C'est dans les miroirs seuls que ces choses assument leur véritable forme. C'est pourquoi, depuis les temps anciens, les taoïstes qui se rendent dans la montagne portent toujours un miroir de diamètre de neuf pouces (nombre solaire) sur leur dos, et ainsi les démons des vieilles choses n'osent pas les approcher. Si par hasard, ils venaient à éprouver les adeptes, ceux-ci n'auraient qu'à se retourner pour jeter un regard dans le miroir : s'il s'agit d'Immortels ou d'esprits corrects de la montagne, même dans le miroir, ils conservent leur apparence humaine : mais s'il s'agit d'animaux pervers ou de démons des vieilles choses, alors leur véritable apparence se reflétera comme telle... "

La magie du miroir permet de nous révéler la vérité, la véritable forme des choses.
La vision intérieure dans le taoïsme s'appelle : le regard retourné ; la lumière est reflétée, le miroir inverse le flux des énergies. Si les vieilles choses ont pu progresser dans le temps jusqu'à acquérir une puissance transcendante, le reflet du miroir opère un retour vers leur identité originelle. De même, le regard infléchi vers l'intérieur de nous-mêmes nous permet de découvrir notre moi essentiel, notre Véritable Forme.

Les miroirs anciens en bronze de l'époque des Han sont tout à fait significatifs à ce sujet. Le revers de la face polie et argentée porte un décor en relief avec des méandres labyrinthiques, des montagnes stylisées, des nuages, des dragons, des tigres et d'autres animaux sauvages et souvent aussi des êtres humains avec de longs poils ou des plumes sur le corps : ce sont des Immortels. On en trouve aussi qui représentent la Reine-Mère de l'Occident jouant du luth. Les inscriptions qui accompagnent ces images sont, par exemple : " Voici un beau miroir, soigneusement exécuté. On y voit des Immortels qui ignorent la vieillesse. Quand ils ont soif, ils boivent à la Fontaine de Jade ; ayant faim, ils mangent des fruits sauvages (jujubes). Ils errent et s'ébattent à travers le monde, ils volent au-dessus des quatre océans. Leur âge est semblable à celui de l'Or et des pierres, ils protègent le royaume " ; ou encore : " Quand on monte sur le T'ai-chan (la montagne sacrée par excellence), on peut voir les Immortels ; ils mangent l'Éclat de Jade et boivent à la fontaine des liqueurs. Ils montent les dragons et chevauchent les nuages blancs ".

Les miroirs sont ronds, mais le décor fait apparaître des carrés magiques, des cadrans avec des signes cycliques du temps. Les instruments magiques que sont ces miroirs portent au revers l'image essentielle de l'univers que l'on est censé apercevoir à travers lui, par un mouvement d'involution vers l'origine des choses.
Les décors des miroirs de l'époque des Han sont les premiers exemples de l'art paysager en Chine. Portés sur le dos par les adeptes, ils sont également des talismans, des signes qui identifient l'adepte comme quelqu'un qui est initié à la véritable forme de la montagne.

Extraits de : Le Corps Taoïste, de Kristofer Schipper ; pages 222 - 223.

Les miroirs magiques, par Ernest Bosc.